All about Christine P

J’ai rencontré Christine Phung en 2011 alors que je faisais partie du  jury du grand prix de la création de la ville de Paris*. Et je l’ai toujours suivie depuis. Quand je l’ai croisée à Hyères cette année, j’en ai profité pour faire quelques rapides photos. Mais j’ai surtout décidé d’en apprendre enfin un peu plus sur cette adorable et discrète créatrice qui a déjà pas mal de prix à son actif…

Christine a monté sa marque en 2011, après avoir travaillé pendant 8 ans pour des grandes maisons, comme Lacoste, Dior, Chloé, Christophe Lemaire ou encore Vanessa Bruno. Pour en arriver là, elle est passée par Duperré puis l’IFM. Mais je ne connaissais pas le chemin qui l’avait menée à sa marque… Petites discussions avec Christine Phung.

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La mode, c’est son obsession de toujours. Christine dessinait, et manipulait des tissus, beaucoup et tout le temps.

Ma mère était infirmière chirurgicale, et me racontait qu’elle recousait des gens en petits morceaux. Ça m’a toujours fascinée cette idée du patchwork, l’idée de partir de morceaux, de fragments, et de reconstituer un tout.

Mon père, c’est un rescapé des Khmers Rouges. Il a changé d’identité pour échapper au génocide, en empruntant le nom du fils du voisin  qui s’appelait Phung. Du coup, la question de l’identité m’a toujours interpelée. Car finalement quand il ne te reste plus rien, il ne te reste plus que ton corps, tes vêtements, et ce que tu racontes.’

Pourtant à 8 ans, elle abandonne cette idée d’être styliste.

Une de mes tantes qui étudiait à Duperré m’avait dit alors qu’il n’y avait pas de débouchés dans le domaine du stylisme. Et mes parents, c’était ‘passe ton bac d’abord’. Donc j’ai oublié cette idée, même si je dessinais en permanence. Puis après le bac, je m’en suis souvenue petit à petit…’

Elle étudie à l’IFM, à base de business plans, de stratégies, d’études de marché  et d’estimatifs de coûts de collection. Elle se rend compte que ça va être très difficile, très cher, et qu’elle n’est pas prête.

‘Je me suis dit : je me donne 10 ans ! J’en avais 24. Quand j’ai eu 32 ans, il était moins deux, j’ai tenté le coup avec le concours du Grand Prix de la Création de la ville de Paris, et là je l’ai gagné. Puis il y a eu l’ANDAM**’.

Et coté création ?

Chacune de ses collections est inspirée par une histoire qui fonctionne comme un scénario de film, et va servir de fil rouge à toute la collection et ses 6 mois d’élaboration.

Pour cet hiver, ça se passe dans les montagnes de nuit et elle s’inspire de l’architecte Charlotte Perriand dans les années 30, avec une photo d’elle nue de dos face à la montagne.

Je la trouvais magnifique dans son style, dans son élégance, dans son audace, une femme créatrice qui a marqué son époque. Je suis partie de ça,  des cristaux de la neige et du silence de la montagne dans la nuit’

Dans le process créatif, Christine élabore l’histoire avec des recherches iconographiques. Ce sont des images qu’elle assemble comme des mots qui forment une phrase et ensuite elle travaille les tissus, les imprimés, les découpes, les volumes. Puis elle dessine à la main, scan et ré-incruste des matières, des couleurs.

‘C’est un aller retour entre l’ordinateur et la main’.

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Comment ça se passe la vie d’une jeune créatrice chef d’entreprise?

Christine autofinance sa boite depuis le début en travaillant pour d’autres ; dernièrement, Rossignol pour des vêtements de ski de fond et Lacoste en freelance sur des collections capsules.

‘La problématique que je rencontre aujourd’hui est super simple à comprendre. Mais difficile à gérer. Je fais des micro séries, made in France, dans des matières luxueuses très travaillées, avec beaucoup de découpes, des plissés à la main ou dans des techniques traditionnelles. Donc très logiquement mon produit est cher, c’est pour ça que commercialement il est assez exclusif.

Par exemple sur un de mes teddy, il peut y avoir jusqu’à 100 petits morceaux coupés dans des laines cachemires, assemblés en patchwork. Je me retrouve alors  confrontée à la problématique de production d’un produit luxueux, qui a un prix élevé et sur une part de marché qui est réduite, saturée et très exigeante.’

La production est bien le nerf de la guerre. Or pour réduire les coûts, certaines des solutions pourraient être un meilleur sourcing, en travaillant des matières moins chères, ou encore en délocalisant. Mais pour ça, il faudrait plus de quantités. Et surtout, Christine a un point de vue bien affirmé :

‘Pour moi, l’unique solution est d’assumer un produit de luxe et les points de ventes*** qui vont avec. Donc j’y travaille. Néanmoins en ce moment, je fais une collaboration avec la marque Misericordia, pour ses 10 ans, je lui dessine une capsule femme. En échange, il m’offre la possibilité de développer une quinzaine de mes pièces chez lui, au Pérou, bien réalisées, dans de belles conditions, de manière éthique. C’est hyper important que cette dimension éthique soit là, car ça participe à ce qui me motive : faire des belles choses qui ont du sens.’

Son prochain projet est de présenter sa collection en septembre.

‘C’est très onéreux de financer une collection, et en plus de ça, faire un défilé ça coûte une fortune, du coup j’ai un double financement à trouver.’

Pour le moment, Christine a trouvé les financements pour la collection grâce à ses collaborations, reste à nouer des partenariats pour financer le défilé****. Créer sa collection, celles des autres pour les collaborations, préparer son défilé, gérer les équipes, gérer les productions destinées aux boutiques, calculer les prix, travailler sur les outils de communication, trouver des financements,  et payer les factures, un travail colossal !

‘Il faut savoir que créer sa marque et la financer, c’est pour moi 80 heures par semaine, alors il reste juste le temps de manger et dormir, puis tu te relèves et tu rebosses. Là j’essaie de rééquilibrer un peu ,  je refais par exemple un peu de yoga et je m’accorde quelques week-ends !’

Reste que la mode et la création sont ses passions.

‘Ca me fait plaisir de chercher, d’expérimenter, c’est la phase qui me motive le plus. Je suis très inspirée par les voyages, les odeurs, les couleurs, les rencontres, les expos, les films,… J’ai plusieurs carnets, j’écris, je pose des mots, je collectionne des images … et puis à un moment donné tout fait sens ! ‘

Alors on se donne rendez vous pour la prochaine collection Printemps-Eté 2015 à découvrir lors des défilés de la Fashion Week de septembre. Et en attendant, on pourra découvrir la collection Hiver 2014-15 en boutiques, dès le mois d’août.

* Grand Prix de la Création de la ville de Paris catégorie mode confirmé

** Prix des Premières Collections de L’ANDAM édition 2013

*** A Paris, Christine Phung est vendue aux Galeries Lafayette et chez Montaigne Market Sur le web, deux très beaux sites la suivent depuis le début : Frenchologie et L’Exception.

**** Les précédents défilés avaient pour partenaire les Galeries Lafayettes mais dans le cadre du soutien de l’ANDAM qui dure un an.

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Et voici quelques photos de la collection de cet hiver prises lors de son précédent défilé.

La collection été est à voir ici.

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