All about Vanessa

Je suis arrivée chez Vanessa assez agitée. J’avais perdu mes clés et surtout pas eu le temps de finir son livre reçu la veille : ‘Voyage au bout de l’autisme’*. Je l’avais tout juste entamé,  j’en rageais ! Mais j’étais si contente de lui parler. J’en savais trop peu mais suffisamment pour n’avoir envie que d’une chose: en savoir plus, beaucoup plus certes, mais surtout savoir comment Shayan allait aujourd’hui. Savoir comment Vanessa allait. Alors j’ai décidé que ce serait mon unique question. Le reste suivrait.

J’ai rencontré Vanessa Virag chez ma super amie Marine. Je ne savais rien d’elle. Le premier truc que j’ai dit à Marine c’est : « elle dégage un truc hyper positif et super sympa cette fille. » Et puis on a tchatché, et blablabla… Vanessa est peintre, elle a fait Penninghen. Quand elle a appris que son fils Shayan était autiste, il avait 3 ans. Ce fut un cataclysme dans leur vie. Mais sa décision a été immédiate : tout arrêter pour s’occuper de lui. C’était il y a 10 ans. Pendant ces années elle a remué ciel et terre pour sortir Shayan de son handicap.  Il y a 6 ans elle a décidé de partager son expérience en écrivant un livre**. Puis elle a monté une association* et une école*. Et elle a reçu le prix Clarins de la femme dynamisante*** pour son engagement. 

Shayan a aujourd’hui 13 ans, et Vanessa, avec ses airs de jolies gamines, a 43 ans. Cette fille est incroyable ! Parce que je le redis, la première chose qui saute aux yeux en la voyant c’est son sourire et sa gaité! Elle se marre tout le temps ! Alors c’est parti pour une interview maman, mode, lifestyle…

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Comment vous allez tous les 2? Ca se passe bien ?

L’adolescence, ce n’est jamais simple, il y a les hormones et la puberté mais Shayan évolue très bien. Ceci dit,  je fais au jour le jour sans trop penser à l’avenir, car c’est un peu angoissant, et aussi car je n’ai aucune idée de ce qui va se passer plus tard ni de son évolution.

Quel type de thérapie ?

C’est de l’ABA (Applied Behavior Analysis ). C’est une méthode américaine que j’ai amenée en France avec l’école  il y a 7 ans et qui existe depuis 60 ans aux US. Elle traite les troubles du comportement. Cela procède de façon inverse avec ce qui ce fait en France la plupart du temps, à savoir mettre l’autisme sur le compte d’un problème psychiatrique. Il y a de plus en plus d’enfants autistes, et la plupart sont dans des hôpitaux de jour ou des structures inadaptées. Je me bats contre ça.  Et contre l’idée que la mère a retransmis son problème à son enfant. Il ne me semblait pas avoir trop de problème quand mon fils est né, au contraire ! J’étais aux anges !

J’ai été très militante en arrivant en France, et maintenant je préfère continuer dans mon coin. Cette exposition (mon prix Clarins,  le livre, l’école, …), ça n’a pas été toujours facile, mais il y a eu des gens extraordinaires qui m’ont soutenue. Je pense notamment à Clarins m’a fait extrêmement confiance sur ce que je faisais, et ça c’est inestimable.

Shayan  va à l ‘école?

Il a d’abord été scolarisé dans l’école que j’ai créée. Depuis 2 ans il est trop grand, alors il va dans une école similaire créée par une autre maman. Jusque l’an dernier, il était en parallèle dans une école américaine pour être mélangé avec d’autres enfants. C’est essentiel pour ces enfants de continuer un cursus scolaire. En France,  il n’y a que 20% des enfants autistes scolarisés.  Je pousse pour qu’ils soient scolarisés au maximum.

Comment as tu créé cette école?

En 2007, Je l’ai ouverte en 2 mois ! Je n’avais pas le choix. On me proposait l’hôpital de jour ou de garder mon fils à la maison. Aujourd’hui, il y a 10 enfants entre 3 et 10 ans. J’aimerais en accueillir plus mais cette méthode éducative demande 1 thérapeute pour un enfant.  Ca coute très cher, et je n’ai quasiment aucune aide. Tout est compliqué dans ce fonctionnement. Tout est un combat. Mais la satisfaction c’est de voir des enfants qui recommencent à parler, qui deviennent propre, qui mangent, qui s’ouvre au monde extérieur.

Quelle est ton implication dans l’école ?

Pendant 5 ans, j y allais tous les jours. Puis j’ai ralenti un peu le rythme l’année dernière. Cette année, je recommence à y aller 2 jours par semaine. Je suis obligée de suivre de près même si je n’y suis plus à temps plein.

Ton fils a quelle vie sociale ?

Shayan a toujours vécu une vie normale, je l’emmène partout avec moi, en voyage, faire les courses, etc. En revanche, il n’a pas d’amis car c’est compliqué pour lui. Du coup, je fais ma vie sociale un peu en fonction de ça pour qu’il soit quand même entouré.  Il adore toutes mes copines et leurs enfants qui lui rendent bien, il est très sociable. Je fais beaucoup de diner à la maison. Ma porte est toujours ouverte que ce soit à Paris ou en vacances pour qu’il voie du monde.

Quels sont ses centres d’intérêt ?

Il adore le cinéma, les films, la Playstation, les ordinateurs, les jeux vidéo. Il fait beaucoup de sport à l’école, et il apprend le skate, il adore ! Bref, il a des goûts d’un ado de 13 ans !

A partir de quand as tu senti que tu avais passé un cap ?

Je n’ai jamais été dans la souffrance. En fait, je me suis tellement plongée dedans dès le premier jour, que j’ai juste pensé : ‘je vais le sortir de là’. Savoir quel était le problème m’a soulagée en quelque sorte. Ensuite j’ai été un peu comme une machine de guerre pendant 7 ans, à ne faire que ça.   M’occuper de lui, de l’école, des traitements, écrire mon livre, m’occuper des autres parents. Et là depuis 3 ans, je recommence vraiment à vivre un peu plus normalement. Je ne voulais pas être une femme d’association qui ne vit plus que pour ça.

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Wow, je vois tous tes tableaux…

Oui, poussée par mes amis (j’ai un groupe d’amis très solide, une vraie famille), j’ai repris la peinture, il y a deux ans.  J’ai fait une expo en novembre dernier à L’Hôtel de l’industrie;  il y a eu un monde fou au vernissage, j’étais vraiment contente. Là je continue, j’ai des commandes. Puis un projet de pochette de disque pour l’été prochain. Et aussi je travaille sur un nouveau projet d’expo sur les femmes et l’image de la femme. C’est un truc qui me tient à cœur. Je trouve que l’image de la femme dans notre société est assez dramatique en ce moment. Où sont les George Sand, Simone de Beauvoir, Frida Khalo, etc? Mais je n’en suis qu’au début…

Et Shayan, tu l’as mis à la peinture ?

Shayan est aussi artiste. Il adore la peinture, je lui mets des toiles, du papier, il dessine très bien, il fait de la pâte à modeler. Je le pousse à s’exprimer d’une manière différente.

Là on parle de la peinture comme projet, mais concernant l’école, l’association, tu as des projets?

Avec l’association, on va essayer de recommencer les stages de formation à la méthode ABA, arrêtés par manque de moyen, surtout pour les parents dont les enfants n’ont pas  accès à cette structure. Au niveau de l’association en elle-même, j’ai vraiment besoin d‘argent. Alors je prépare une vente aux enchères pour Noël, toujours autour de l’Art puisque c’est mon domaine. J’ai demandé à mes amis artistes de donner des petites pièces pas trop chères qu’on va mettre aux enchères pour récolter des fonds.

Et c’est quoi la semaine de Vanessa ?

Je me lève à 7h30, je fais son petit dej et je mets Shayan dans la voiture qui l’emmène à l’école. Les 2 jours où je vais travailler à l’école, je pars juste après. Dans ce cas, je rentre à 16h30 pour récupérer Shayan. Une fois par semaine, je vais le chercher dans son école, car c’est important d’avoir un contact avec les thérapeutes et de voir ce qui se passe là-bas. Les jours où je ne travaille pas à l’école, j’essaie de prendre mon temps car c’est un rythme qui demande beaucoup d’énergie. Je continue à faire beaucoup de recherche sur l’autisme. Le reste du temps je peins. J’essaie de me réserver deux journées où je ne fais que ça. Je peux y passer 10 heures d’affilée en écoutant de la musique.

Ah je me rappelle, tu m’en as parlé…

Oui, la musique c’est ma première passion et mon premier métier ! En sortant de Penninghen, j’ai créé avec des amis un journal de musique gratuit qui s’appelait Seven, un fanzine à une époque où le Hip Hop et la House arrivaient tout juste des US. C’était le premier gratuit musique ! Ca avait tellement bien marché qu’on a été racheté par les éditions La Rivière. On a ensuite crée un deuxième magazine, Remix.

En fait tu es hyper entrepreneuse ?

J’aime construire, je suis hyper active, je ne supporte pas de ne rien faire et j’ai besoin de créer. Ca peut aller d’un journal de musique à une association, je fais les choses de la même manière, je prends le projet à bras le corps et je le construis.

Tu as d’autres passions ?

J’aime la déco, j’ai redécouvert ça en rénovant l’appartement dans lequel je viens d’emménager. Comme pour les fringues, j’aime mélanger du classique, du vintage et des pièces pointues. Je n’aime pas suivre les tendances, j’essaie de faire ma mixture à moi et de prendre mon temps trouver des jolies choses qui se gardent.

Et en mode quel est ton style ?

Je n’ai aucun style en particulier ! Je ne fais plus beaucoup de shopping contrairement à New York où c’était compulsif. Maintenant, je vais deux fois par an chez  ma copine Marie Gas – By Marie – et je m’achète 2-3 très jolies pièces, puis je déniche des trucs vintage chez TGV rue de Lancry, et je complète par des basiques H&M. Je fais un mix de tout ça sans style prédéfini ; je peux être comme aujourd’hui avec un cuir et un jean, et demain avec une robe longue romantique. Chez moi je traine en vieux t-shirt et legging, super décontractée. J’adore cette marque Raquel Allegra qu’on trouve chez By Marie. Elle ne fait que des leggings, des t-shirts, et des pulls en cachemires tout tie & dye. C’est  beau, et ça reste super basique.

Et la vie dans le 10è parisien, ton nouveau quartier?

Avant j’étais dans le 15è puis le 6è. C’était très agréable vivre, mais j’ai vécu très longtemps à New York, et il me manquait la mixité. Ici j’adore la rue du Château d’eau avec là les coiffeurs black,  les Nord africains avec leurs manufactures de fringues, un peu plus haut tu as les Indiens et les Turcs, et plus bas les quais hyper bobo. J’ai besoin de tous ces mélanges.

Ce besoin, ça vient de tes origines ?

Ma mère est grecque et mon père est Hongrois. Quand j’étais petite, ma mère me lisait toutes les légendes grecques. Ma grand-mère juive me racontait toutes les histoires tristes de ma famille déportée en camp … quelque part ça a dû m’ouvrir l’esprit sur autre chose. Et j’ai vécu à New York à la fin des années 80 où c’était tellement mélangé. C’est une vraie richesse, même au niveau de la création. Ici je redécouvre ça. Le 10è me fait penser un peu à New York, la rue de Lancry, rue Lucien Sampaix, rue des vinaigriers. Il y a une vie de quartier très riche, les gens sont dans la rue.

Tu es là pour un moment alors ?!

Je ne sais pas,  j’ai la bougeotte et je suis nomade dans l’âme! A Paris, j’y suis encore pour 5 ans mais pas plus après je pense rentrer aux US. Je pense à l’avenir de Shayan, et il ne sera pas en France c’est sûr.

*L’association, c’est ABC autisme. Vous trouverez là aussi toutes les infos sur l’école. Et également, si vous avez envie de soutenir ces enfants, c’est ici!

**  ‘Voyage au bout de l’autisme’ écrit par Vanessa Virag et la Journaliste Dominique Prédali. Vanessa m’a confié qu’elle avait eu beaucoup de chance de rencontrer Dominique qu’elle adore ainsi que que sa super éditrice Mathilde  chez Albin Michel

*** Vanessa a reçu le Prix Clarins de la Femme Dynamisante en 2010

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